Conflit ouvert entre le gouvernement et les offices HLM
Une politique "ultralibérale et de voleur". Voilà comment le président de la Confédération nationale du logement, Serge Incerti Formentini, a qualifié mercredi les dernières annonces du gouvernement en matière de logement social, lors de l'ouverture du 71e congrès des organismes HLM à Strasbourg.
Première mesure contestée : la suppression pour 2011 de l'exonération de la contribution sur les revenus locatifs (CRL) pour les logements de plus de 15 ans, dont les HLM bénéficiaient jusqu'alors. Une nouvelle conséquence du coup de rabot sur les niches fiscales. Montant des économies espérées : 340 millions d'euros, dont 250 millions iront à l'Anru, l'agence chargée de la réhabilitation des quartiers dégradés. "Un impôt supplémentaire" payé par les locataires pauvres, réplique l'association de protection des consommateurs CLCV.
Même son de cloche pour l'Union sociale pour l'habitat (USH), selon qui "1 milliard d'euros sur 3 ans " provoquera une baisse "de 20.000 par an du nombre de logements neufs", "3,2 milliards d'euros de travaux en moins, et une diminution de la réhabilitation des logements existants".
Le plafonnement des loyers en débat
Autre raison de la fronde, la décision de Benoist Apparu de limiter la hausse des loyers sociaux en 2011 à l'indice de référence des loyers. Jusque là, le secrétaire d'Etat au Logement s'était contenté d'une recommandation, exhortant les offices HLM à ne pas dépasser 1% de hausse. Les bailleurs craignent maintenant pour leur équilibre financier.
Plus largement, l'USH accuse l'Etat de désengagement. Ses subventions seraient passées de 785 millions d'euros en 2008, à 630 millions en 2010. L'USH estime qu'elles pourraient tomber à 400 millions en 2013. Benoist Apparu préfère lui souligner "l'effort considérable" de l'Etat en faveur des HLM, avec "4,5 milliards d'euros d'avantages fiscaux et 5 milliards d'APL" (aides personnelles au logement) pour solvabiliser les locataires. La séance de clôture du congrès par le secrétaire d'Etat jeudi s'annonce déjà houleuse.
8000 logements vacants en France
Mercredi matin, le Parisien révélait une liste de villes dans lesquelles les bailleurs affichaient des taux de vacance beaucoup plus élevés que la moyenne. 3 à 4% des logements habitables sont généralement inoccupés, mais à Sucy-en-Brie, dans le Val-de-Marne, Hombourg-Haut en Moselle ou encore Modane en Savoie, le taux dépasserait les 15%. 28 communes en tout présenteraient "un fort taux de vacance", soit un total de 8.000 logements vacants.
Un chiffre d'autant plus frappant que 650 000 ménages sont en attente de logements. Benoist Apparu a avancé une explication : "Les taux de vacance les plus importants se retrouvent sur des départements plutôt ruraux, dans des secteurs où le marché du logement est peu tendu. Nous devons arrêter de construire des HLM dans ces territoires, au risque de ne construire que des logements vides." Mais pour Thierry Repentin, président de l'USH, la vacance résulte du "départ d'une grande entreprise ou d'une usine, de la fermeture d'une administration, de la délocalisation d'un régiment d'armée...", et non d'une construction à outrance. Interrogé par des internautes du Monde.fr, il a préféré minimiser le phénomène, parlant de "réalités lilliputiennes", "pour laisser penser que c'est la situation générale du monde HLM".
Ancienne ministre socialiste du Logement, Marie-Noëlle Lienemann a elle observé que la vacance était souvent liée à la vétusté du parc locatif, avant de conclure que "les pouvoirs publics doivent donner six mois aux bailleurs ayant plus de 3% de vacance pour régler le problème. Au-delà, si rien ne change, que l'Etat réquisitionne ces logements vides", a-t-elle conclu.
Des
Benoist Apparu, le secrétaire d'État au Logement, veut aussi s'attaquer aux "dodus dormants", ces "15 % d'organismes HLM n'ayant rien construit depuis cinq ans". La Mission interministérielle d'inspection du logement social (Miilos) indiquait dans son dernier rapport que, sur les marchés du logement "tendus" et "très tendus", "certains organismes HLM n'ont pas encore réussi à augmenter réellement leur faible rythme de production, souvent par manque de volonté et de continuité".
C'est donc la question de l'utilisation de la trésorerie des HLM qui est posée. Selon la Tribune, celle-ci s'élève à 10,5 milliards d'euros, 5 milliards allant à l'entretien des immeubles, aux impôts fonciers et au remboursement des emprunts, et le reste à la construction et à la modernisation des immeubles. Mais pour le quotidien économique, près de 50 organismes HLM sur les 557 en France n'investiraient pas suffisamment. A Bagnolet par exemple, l'office public de l'habitat n'a en moyenne que 20,4% de son potentiel financier depuis 2007. Pour les rappeler à l'ordre, la loi Boutin de mobilisation sur le logement a mis en place en 2009 un prélèvement sur les organismes dont les investissements annuels moyens sont restés inférieurs à 50% de leur potentiel financier.
Dans un entretien au même journal, Thierry Repentin a détaillé les obstacles à la construction, notamment dans les zones tendues : "Des disponibilités foncières inexistantes ou hors de prix, des égoïsmes locaux d'élus qui ne veulent pas construire de logements sociaux, des montages financiers d'opérations plus délicats vu les prix de l'immobilier, et dans certaines régions, de la défaillance dans la gouvernance des politiques de l'habitat - notamment en Ile-de-France où le développement des intercommunalités en est à ses balbutiements."
Des comptes parfois contaminés par des dettes toxiques
Comme les collectivités locales, les organismes HLM ont contracté des produits financiers toxiques avant l'éclatement de la crise bancaire. Début septembre, Luc Legras, chargé de mission auprès du délégué général pour l'USH, estimait à 8% la part des produits dérivés dans la dette d'une vingtaine d'entre eux.
Au même moment, le bilan annuel de la Miilos pointait la situation alarmante de 12 bailleurs sociaux dont l'exposition aux produits financiers à risque pouvait aller jusqu'à 50%... Benoist Apparu envisage de créer un groupe de travail pour analyser les risques qui pèsent encore sur les organismes HLM.
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